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Le Pavillon, histoires de vie

Le Pavillon est indiqué comme étant une seigneurie au XVIIe siècle. Une partie du gros-œuvre du logis pourrait dater de cette époque, bien que celui-ci ait été modernisé au XIXe siècle. Des dépendances, qui existaient au sud du logis sur le plan cadastral de 1835, ont aujourd’hui disparu. Elles ont été remplacées, dans la seconde moitié du XIXe siècle, par une grande ferme ordonnancée à l’écart au sud. Vaste logis de plan en L avec pavillon hors-œuvre accolé à l’angle est, il se compose d’un étage de soubassement, d’un rez-de-chaussée surélevé, d’un étage carré pour l’aile sud-est et un comble à surcroît. La ferme est un vaste bâtiment de plan en U, à cour fermée par un mur, avec grange au fond entre deux ailes d’étables et un petit logement.

Voici la photographie la plus ancienne du Pavillon. Au recto, la date de 1904 y a été notée. Son architecture est semblable à celle d’aujourd’hui. A cette époque, bon nombre de tâches quotidiennes contribuent à assurer une autosuffisance, les terres doivent être exploitées, les animaux élevés puis le Pavillon embelli. Cette propriété abrite de nombreux souvenirs de famille où plusieurs générations se sont succédé. Les bonheurs ont inévitablement côtoyé les chagrins et les tristesses.

Pendant de nombreuses années, le métayage était l’activité principale des propriétaires du Pavillon. L’étymologie du mot « métayage » vient de « moitié ». Le propriétaire des terres ou des fermes établissait un bail rural par lequel il confiait à un métayer le soin de cultiver une terre en échange d’une partie de la récolte. Les propriétaires étaient alors des rentiers agricoles qui récupéraient 50 % de la production de blé par exemple, ou la moitié de la vente d’un troupeau.

En 1948, le fermage avait remplacé le métayage. Grâce à la loi de 1946, le fermage avait évolué en faveur de ceux qui exploitaient la terre. En effet, avant cette loi, par le fermage les paysans s’acquittaient d’un loyer et devaient en plus un certain nombre de journées de travail gratuit. Certes ils sont propriétaires fonciers et bénéficient du fruit des baux des fermages mais le pays et les gens sont rudes. Il leur faut tirer les vaches, faucher, rouler les gerbes, entretenir les rangs de vigne, veiller à l’achat du bétail, à leur vaccination.

En 1957, Simone devient veuve à 34 ans, sans enfants. La tâche, les responsabilités sont importantes pour Simone qui doit administrer quasi seule ce domaine. Jusqu’en 2011, elle a consigné dans deux carnets les détails du quotidien. Ici, il est question de plantations, là d’animaux, puis ailleurs de travaux. Pourtant ils en disent long sur cette femme intelligente, énergique, élégante, volontaire et courageuse. Au Pavillon, il ne faut pas défaillir, ni manquer de courage pour maintenir en état une propriété, voire l’embellir d’année en année, négocier avec les fermiers pour défendre ses intérêts.

Grâce aux écrits de Simone, le Pavillon s’anime. Elle nous entraîne dans le tourbillon de ses journées, au fil des activités rythmées par les saisons. Dans la plupart des tâches, elle est aidée par des domestiques. Ils étendent l’engrais, vont chercher la paille, plantent des sapins arrachés dans les bois, désinfectent l’écurie, accompagnent Simone lorsqu’elle souhaite acheter une vache hollandaise avec sa petite nelle, etc..

Le cadre de verdure du Pavillon change au fil des saisons. Tout au long de sa vie, Simone soignera les végétaux installés par les précédentes générations et veillera à planter de nouveaux arbres, de nouvelles fleurs. Les verts se dégradent avec les peupliers, les conifères, les fusains, le tilleul, le saule pleureur à bois doré, le sapin, le cèdre. Les couleurs explosent avec les dahlias, les chrysanthèmes, les glaïeuls, les hortensias. Les parfums exhalent avec les mimosas et les nombreux rosiers dont certains portent des noms évocateurs « Grâce de Monaco », « Sissi », « Beauté » et « Confidence ». La tonnelle du jardin abrite un chèvrefeuille. Le grand massif offre au regard une palette de couleurs avec ses ageratums, sauges, pétunias et verveines.

Au jardin poussent des pommes de terre, haricots, betteraves, topinambours et citrouilles. L’une d’entre elles sera pesée et le record de 52 kg restera dans les mémoires. Au Pavillon, on ne manque de rien mais on veille à ne rien perdre. Alors, Simone peut vendre des pommes de terre à la bouchère, des haricots, des pommes, des noix, de la graisse de cochon, de canard, des foies de canard et d’oie. Tout ce qui est consigné dans son carnet démontre la richesse vivrière du Pavillon.

A plusieurs reprises, Simone mentionne d’autres ventes, dont la liste est digne d’un inventaire à la Prévert : de la laine en provenance des moutons de plusieurs domaines, des stères de bois, une bille de noyer, du vin, du bois de noyer de 2,50 m de long et 1,30 m de circonférence pour la scierie de Valence, des papiers, des cartons, des chiffons, de la ferraille et même du cuivre. Tout ceci témoigne d’un cercle économique vertueux : on produit, on consomme, on utilise, on transforme, on exploite puis on vend. Avec le fruit de ces ventes, on achète à nouveau des plants, des volailles, etc. Rien n’est gaspillé, rien n’est perdu et chacun y trouve son compte.

Au fur et à mesure que les années s’écoulent, Simone endosse les rôles les plus divers. Femme de caractère qui défend les intérêts de sa propriété, orchestre les tâches des domestiques, achète le matériel agricole, femme active qui participe aux travaux et organise les activités du jardin et de la cuisine, femme raffinée et curieuse qui s’ouvre sur le monde et voyage.

En 2021, la propriété est mise en vente suite au décès de Simone. Le 15 novembre 2022, nous devenons les nouveaux propriétaires et entamons de grands travaux de rénovation. La demeure principale deviendra donc un gîte rural et la ferme, une écurie moderne.

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